Qui mieux que Jonah Lomu peut se pencher sur le grand favori de cette Coupe du monde 2007? L'ancienne star des All Blacks décrypte pour vous le jeu de la Nouvelle-Zélande. Pour lui, pas de doute, les Blacks ont toutes les cartes en main pour s'adjuger le titre.
Jonah, la pression doit être terrible sur cette équipe de Nouvelle-Zélande après la déception de 2003?
Jonah LOMU. : Ils ont beaucoup de pression. Les All Blacks ont toujours eu beaucoup de pression, mais cela fait partie de la culture All Blacks. On te met toujours la pression pour exiger de toi que tu gagnes. On attend d'un All Black qu'il ne perde jamais. Tu grandis avec l'idée que, en tant que All Black, on attend de toi que tu gagnes à chaque fois.
Que pensez-vous du staff?
J.L. : Graham Henry n'est pas un novice sur la scène rugbystique internationale, mais c'est un nouveau venu chez les All Blacks et il apporte un vent de fraîcheur. Wayne Smith est certainement le meilleur technicien du jeu qui existe : Il analyse la défense et l'attaque adverses, il identifie précisément les joueurs clés et les erreurs, les points d'appui et met au point le moyen de les déjouer. Steve Hansen se mêle aux joueurs et informe les coachs sur leur état de forme. C'est une excellente combinaison de coachs.
Comment situez-vous cette équipe par rapport à celle de 2003?
J.L. : La grosse différence réside dans le fait que parmi les joueurs qui participeront à la Coupe du Monde 2007, le noyau dur était déjà de l'aventure en 2003. Ils savent ce qu'il faut faire pour gagner la Coupe du Monde. La différence est qu'ils ont maintenant 4 ans de plus, 4 ans d'expérience en plus, de victoires comme de défaites. Les All Blacks se souviennent toujours de leurs défaites et veulent se rattraper. J'espère qu'ils en seront capables en 2007.
Leur heure est venue?
J.L. : Oui, c'est le moment où jamais. Mais lorsque la Coupe du Monde approche, tu dois gagner le droit de la remporter. Tu dois gagner chacun de tes matches. Certes, il te faut un peu de chance, mais à la fin, la meilleure équipe gagne la Coupe du Monde.
Le facteur chance tient une grande place selon vous?
J.L. : De nombreux matches ont été remportés par des équipes qui ont eu la chance d'avoir un rebond favorable, ou un drop réussi. Regardez Rob Andrew en 1995, Jannie de Beer en 1999, puis Jonny Wilkinson en 2003: Ce sont des drops qui ont marqué l'histoire du rugby mondial. Ou encore le rebond de la balle, comme en 1999, lorsqu'elle a rebondi dans les bras français et a donné l'opportunité aux Bleus de remporter le match. Ensuite, ils ont pu élever leur niveau de jeu dans les 20 dernières minutes face aux All Blacks. Il y a cette part de chance - Mais c'est ce qui rend le rugby si beau.
Vous voyez des points faibles dans cette équipe?
J.L. : Je ne pense pas qu'il y ait réellement de faiblesse chez les All Blacks. Nous possédons les joueurs les plus talentueux et nous sommes forts dans tous les secteurs du jeu. Certains disent que Isaia Toeava constitue une faiblesse car il a joué peu de matches au centre, mais si tu lui laisses une opportunité de marquer un essai, il te fera mal.
Ne risquent-ils pas l'excès de confiance?
J.L. : Si tu es trop confiant, tu risques d'être battu, mais la confiance est quelque chose de primordial. Je ne crois pas qu'ils soient arrivés au top trop tôt. Ils n'ont pas aligné la même équipe à chaque fois. En revanche, je m'inquiète du fait qu'ils ne fassent pas assez tourner Richie McCaw et Dan Carter. Ce sont deux joueurs déterminants, que l'on ne peut se permettre de perdre sur blessure.
Pour vous, Dan Carter est-il le meilleur joueur du monde?
J.L. : C'est la Coupe du monde. Il faut prouver face aux meilleures équipes que vous êtes le meilleur. Il est le meilleur numéro 10 de la planète mais il n'a pas joué à son maximum cette saison. Son style? Dan Carter, c'est Dan Carter. Il joue comme il le sent, tout comme Andrew Mehrtens le faisait. Carter est encore très jeune, mais il a l'esprit d'un joueur expérimenté. Il réfléchit sur le jeu et le lit le jeu parfaitement. Ce qui lui rend la tâche plus facile, c'est qu'il a une excellente équipe autour de lui, avec des joueurs comme Richie McCaw qui lui libèrent de bons ballons - car s'il n'y avait pas les avants, les trois-quarts ne brilleraient pas autant.
Quelle importance tient Richie McCaw dans ce pack?
J.L. : Richie joue un grand rôle dans le jeu, c'est le meilleur N°7 au Monde. Il libère la balle à chaque fois. Mais c'est le pack d'avants tout entier, de la mêlée à la touche qui fait la différence avec des joueurs comme Ali Williams, Chris Jack, Tony Woodcock. Dans le rugby actuel, les 22 joueurs sont importants, car les gars qui entreront en cours de jeu doivent avoir un fort impact. Ils t'aident à changer le cours du match, à apporter de l'impact. Ce n'est pas le meilleur "5 de devant" de l'histoire des All Blacks, il y en a eu d'excellents au fil des temps, mais il s'agit du meilleur pack.
Un mot sur Rokocoko et Sivivatu, vos héritiers au poste d'ailier...
J.L. : Si tu leur donnes de l'espace tu ne les rattrapes pas ! Ce sont des cousins, des grands joueurs, ils ont beaucoup d'allure, très rapides et vraiment puissants. Ils sont importants pour les All Blacks. Mais je ne peux pas oublier non plus mon ami Doug Howlett. Il a été au top pendant une longue période mais cette année il a été écarté plusieurs semaines avec Auckland. Ce sera un joueur à observer. Il travaille énormément, il est puissant et défensivement on peut difficilement demander plus à un ailier.
Comment expliquez-vous les échecs des éditions précédentes?
J.L. : Ce n'est pas une équipe qui échoue dans les moments cruciaux. Tu n'échoues que si tu pars avec la certitude que tu vas gagner. En 1999, la France nous a battus car ils ont joué les 80 minutes à fond, et nous non. L'Australie a gagné, et c'était la meilleure équipe du moment. En 2003, l'Angleterre est revenue à un rugby plus simple dans les matchs importants avec Martin Johnson et des joueurs expérimentés chez les avants, et Jonny Wilkinson chez les arrières.
Que vous inspire l'exode massive des stars néo-zélandaises vers l'Europe?
J.L. : Je ne pense pas que ce soit dangereux. C'est un sport professionnel et c'est leur mode de vie. Ils veulent du changement, ils n'ont jamais joué à l'étranger. Ils sont encore jeunes et ont l'opportunité de tenter leur chance à l'étranger pour revenir plus tard représenter les All Blacks. La Nouvelle Zélande a un grand nombre de jeunes joueurs qui sont en train d'émerger. C'est leur métier. Ils se rendent à l'étranger et emportent tout avec eux.
Rugbyrama - Propos recueillis par David DYBMAN