Rugby - Saison 2007
2007 restera sans doute comme l'année du rugby en France, avec la Coupe du monde qui fut un grand succès. Mais notre consultant Laurent Bénézech regrette que la FFR et l'équipe de France n'aient pas su mieux profiter de cet engouement. Il réitère aussi son incompréhension devant la gestion psychologique et humaine de la compétition. Enfin, il dresse l'état des lieux des forces en présence dans le Top 14.
«Laurent Bénézech, l'année 2007 a été riche en événements pour le rugby, pensez-vous que ce sport a franchi un palier ?
Non, pas vraiment. Je pense que, d'un côté, 2007 a confirmé certaines réalités, notamment lorsque l'on se situe en France et en Angleterre où une vraie montée en puissance s'est opérée ces dernières années mais que, de l'autre, notre sport a perdu l'occasion de franchir un palier décisif malheureusement... En effet, la Coupe du Monde 2007 et les différentes réunions de l'IRB auraient dû permettre une véritable réflexion sur le devenir du rugby, notamment lorsque l'on prend le positif : une compétition qui donne à notre sport une fenêtre sur le monde. Et le négatif : les problèmes structurels de fédérations comme les trois nations de l'hémisphère sud qui voient leurs meilleurs joueurs partir jouer en France et Angleterre. Prôner le status-quo est suicidaire pour ces nations et surtout pour le développement du rugby mondial. Il y a autre chose à faire que des tournées et des matches amicaux qui n'ont aucune représentativité au niveau du grand public et qui laissent le temps à ces joueurs d'aller faire de l'argent entre deux Coupes du Monde ! Il y a autre chose à faire que des promesses renvoyées aux calendes grecques pour le développement du rugby. Finalement cette année 2007 me laisse un goût amer maintenant que l'ambiance de fête de la Coupe du Monde est retombée. Quelle occasion ratée par le rugby mondial de se projeter dans le XXIe siècle !
L'Afrique du Sud a été sacrée en Fance, est-elle le champion du monde logique ?
Non. Si l'on revient deux ans en arrière, cette équipe était moribonde avec un niveau de jeu limité et sans perspective. Il faut tirer un grand coup de chapeau à son entraîneur Jack White qui, dans des conditions difficiles, politiques et sportives, a su tirer le meilleur de plusieurs générations de joueurs, d'Os Du Randt à François Steyn, pour créer une équipe performante et même entraînante par moments. Il faut quand même ne pas oublier, non plus, que les Sud-Africains ont pu tirer grand bénéfice du fantaisiste parcours de l'équipe de France : une demi-finale contre l'Argentine et une finale, ni contre la Nouvelle-Zélande, ni contre la France, mais contre une vieille équipe d'Angleterre.
La France a déçu. Avec du recul, quel est votre regard sur l'année 2007 des Bleus ?
Disons que cette équipe a su gagner les compétitions qui comptaient pour du beurre (Tournoi, matchs de préparation) et perdre celle qui comptait pour beaucoup (Coupe du Monde). Je reste persuadé que cette équipe avait les moyens de faire largement mieux, n'en déplaise à Bernard Laporte. En effet, avec une préparation psychologique pertinente, la France avait les moyens de battre l'Argentine comme elle avait battu une bonne équipe d'Angleterre en août. Ce qui voulait dire, ensuite, qu'elle aurait fini première de poule et que, après un quart de finale facile contre l'Ecosse, elle aurait pu monter en puissance avec une demi-finale contre une équipe d'Afrique du Sud qui avait souffert en quart de finale contre les Fidji. Alors que là, en perdant ce premier match, le challenge de battre les All Blacks en quart et ensuite deux des meilleures nations mondiales en demi et en finale était physiquement impossible pour une même équipe. Je ne vais bien sûr pas refaire l'histoire mais perdre toute chance de gagner cette compétition sur le premier match (voire même avant le match) a quelque chose de frustrant qui n'est pas prêt de s'estomper. Quoi que l'on en dise, cette Coupe du Monde était faite pour la France et le fait que l'équipe de France ait été capable de battre le grand favori, la Nouvelle Zélande, le prouve !
Le Stade Français a une nouvelle fois dominé le championnat. Est-ce que Paris peut continuer sa domination cette saison ?
Paris a depuis quelques saisons un gros effectif qui lui permet d'être constant sur la longueur de la saison et d'être performant sur les derniers matches. Ce qui lui donne un avantage par rapport à beaucoup de clubs. J'ai l'impression que de ce côté-là, Toulouse et Biarritz ont des effectifs un peu moins importants en quantité et sont donc plus dépendants de la forme de leurs meilleurs joueurs aux moments cruciaux. Mais l'équipe la plus impressionnante cette saison en termes de qualité et de profondeur de son effectif est Clermont. Vern Cotter travaille avec un effectif riche qui permet de proposer deux équipes au niveau de jeu proche de l'excellence. Bien sûr, la saison va encore être longue mais pour le moment les Auvergnats ont un temps d'avance sur leur adversaires en termes de qualité de jeu et d'homogénéité de leur effectif. Ils sont à mon avis les favoris, devant Toulouse, qui peut souffrir des matchs de l'équipe de France, et Paris, qui est en train de laisser des plumes en Coupe d'Europe.»
L'Equipe-Laurent Bénézech