Samedi dernier, Clermont a terrassé le champion d'Europe Munster (25-19) en partie grâce à sa jeune classe, encore une fois brillante. Ils étaient ainsi trois dans le pack, trois gamins qui ont permis à l'ASM d'avancer et de prendre le dessus sur les redoutables Irlandais. Parmi eux Thomas Domingo, pilier de 23 ans, qui a impressionné. Formé à Clermont, champion du monde des moins de 21 ans en 2006, Domingo est un des grands espoirs au poste de pilier. Sans faire de bruit, doucement mais sûrement, il est en train de se faire une place au soleil chez les Jaunards.
Allez demander à John Hayes, 89 sélections avec le XV du Trèfle, ce qu'il pense de Thomas Domingo. Avant samedi, il ne devait pas en penser grand-chose. Depuis la victoire de l'ASM à Michelin, le pilier du Munster doit se rappeler du nom de cet Auvergnat pure souche, formé au club et déjà très à l'aise dans les fondamentaux du poste. Solide en mêlée, à l'aise techniquement, excellent défenseur, il possède aussi un avantage considérable malgré son âge, celui d'être polyvalent, capable de jouer à droite comme à gauche. Bref, c'est l'archétype même du pilier moderne, celui que recherchent tous les entraîneurs. Régulier et de plus en plus utilisé par Vern Cotter, «Doming», son surnom, progresse à chaque sortie, sans bouder son plaisir : «Si on m'avait dit il y a trois ans que ça se passerait comme ça, je ne l'aurais pas cru. Au fur et à mesure des années, j'ai un peu plus de temps de jeu, j'ai la confiance des entraîneurs. C'est satisfaisant, et j'espère que ça va continuer comme ça.»
Une année 2006 de rêve
L'éclosion du gamin d'Egletons n'est pourtant pas une surprise. L'histoire commence vraiment en 2006, où Domingo remporte le titre de champion de France espoir, puis surtout le sacre mondial des moins de 21 ans, dans l'équipe entraînée par Marc Lièvremont, Emile N'Tamack et Didier Retière. Presque par hasard : «J'était un peu la surprise de la Coupe du monde. Personne ne me connaissait, on ne m'avait quasiment jamais vu jouer.» Mais comme avec Clermont, il sait saisir sa chance, et c'est le début de l'aventure. De retour à l'ASM, il intègre le groupe pro, puis découvre le Top 14, lucide : «Je pense que le titre a joué, on m'a découvert à ce moment là.» Devenu un membre de l'effectif clermontois, il apprend vite, bien aidé par le riche contingent d'internationaux : «Il y a une super ambiance au niveau du groupe. Quand je suis arrivé dans le groupe pro, j'ai été très bien accueilli, tout, le monde m'a aidé, les autres piliers m'ont donné des conseils, ont corrigé mon placement en mêlée. C'est important d'être encadré, surtout par des joueurs de ce niveau, que ce soit à l'entraînement ou en match. Il m'ont beaucoup apporté techniquement et tactiquement.»
La vidéo pour progresser
Déjà très mature, il garde la tête sur les épaules, et sait qu'il doit encore beaucoup travailler. «Il me manque un peu de métier, de vice, les qualités qui caractérisent le poste de pilier. C'est un poste à maturité tardive», admet-il. Pour gagner du temps, en bon professionnel, il utilise tous les moyens mis à sa disposition. Comme la vidéo : «J'étudie comment travaillent les autres piliers avant les matches. Il faut savoir faire avec les outils qu'on a. Je regarde comment ils se placent, comment ils poussent,, etc... C'est du matériel qui peut nous aider à progresser.» Domingo est aussi lucide et intelligent lorsqu'il s'agit d'étudier le début de saison mitigé de son club : «On s'est mis en difficulté dès le début. On fait des gros matches contre les grosses équipes, le problème, c'est qu'on se met au niveau des équipes contre qui on joue. C'est un peu notre défaut depuis le début de saison. C'est ce qui nous a fait mal. Après le match contre Mont-de-Marsan, où on était passés à côté, on s'est remis en question, on a beaucoup parlé entre nous, et puisque ont s'est remis au boulot, avec de gros entraînements et une grosse implication. On s'est un peu laissés sur certains matches, maintenant il faut aller à fond sur tous les matches et faire ce qu'on sait faire.»
Pour espérer décrocher enfin le bout de bois, l'ASM aura bien besoin de sa jeune génération, et donc de Thomas Domingo. Ensuite, il sera temps de penser à la suite d'une carrière prometteuse, et à l'équipe de France, étape qui semble écrite sur sa route. Il ne s'en cache pas, sans s'emballer : «J'y pense parce que beaucoup de journalistes m'en parlent. C'est un objectif, bien sûr, mais je pense que j'ai encore beaucoup de travail à faire pour arriver à ce niveau-là. Il ne faut pas tout de suite penser à ça je veux déjà m'imposer avec Clermont. Chaque chose en son temps.» On rajouterait bien que tout vient à point à qui sait attendre.
L'Equipe.fr - Aymeric MARCHAL